Actualités

- Politique économique - Sandrine Hanhardt Redondo

L’abolition des actions au porteur n’est pas nécessaire

Action au porteur

Le Conseil national a décidé, la semaine dernière, de faire bénéficier les actions au porteur existantes d’une clause d’antériorité (grandfathering) et d’interdire la création de nouvelles sociétés dont le capital est constitué d’actions au porteur. Il a ainsi corrigé le projet du Conseil fédéral de mise en œuvre des recommandations du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales prévoyait l’abolition pure et simple des actions au porteur, mesure pourtant déjà largement critiquée lors de sa mise en consultation.

Mythe sans avenir et vieil héritage du capitalisme pour certains, outils de fraude pour d’autres, les actions au porteur font partie de notre tradition juridique. Si aujourd’hui ce type d’action n’est presque plus utilisé dans les sociétés nouvelles (88% des sociétés ont un capital-actions composé d’actions nominatives), il existe encore de nombreuses sociétés (60’000 selon les estimations), et notamment des PME, qui connaissent cet actionnariat et qui méritent d’être protégées. Pour les sociétés concernées, la transformation de ces actions en actions nominatives aurait un coût élevé (notamment à cause des actes authentiques, des frais d’enregistrement, des charges de conseil) et constituerait une charge excessive. Par ailleurs, une grande partie des actionnaires concernés ont acquis de bonne foi, et sans volonté de fraude, leurs actions au porteur à une époque où cela était parfaitement légal.

Il est ensuite faux de dire que les actions au porteur sont totalement anonymes. Toutes les sociétés non cotées en bourse doivent établir depuis le 1er juillet 2015 – dans le cadre de la loi GAFI – une liste des détenteurs de leurs actions au porteur et de leurs ayants droit économiques. Le thème des actions au porteur semble peser fortement dans le cadre de l’examen des pairs. Des interventions moins incisives sont toutefois possibles, le Forum mondial n’en exigeant pas l’abolition mais des améliorations. Un autre élément pose un gros problème, celui de la perte, sans dédommagement, des droits sociaux des détenteurs d’actions qui ne se seraient pas fait connaître dans le délai de 18 mois qui est totalement disproportionnée.

La modification législative proposée par le Conseil national paraît opportune et va dans le sens de ce qui est demandé par le Forum mondial. Ainsi, il défend à la fois les intérêts des PME et la bonne foi de nombreux entrepreneurs suisses, tout en montrant que la Suisse s’adapte régulièrement aux exigences internationales, sans toutefois céder à des exigences par trop formalistes.



Sandrine Hanhardt Redondo,
Responsable politique droit économique et des sociétés

Partager :