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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Une dangereuse initiative de limitation

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Portée par l’Union Démocratique du Centre (UDC) et l’Action pour une Suisse indépendante et neutre (ASIN), l’initiative de limitation demande à ce que la libre circulation des personnes soit abolie. Les initiants souhaitent lutter contre les effets pervers d’une immigration qualifiée de démesurée. Il s’agirait pour ce faire de résilier l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Le but ultime est de permettre à la Suisse de régler l’immigration de manière autonome. Surfant sur les clichés habituels, l’initiative part du principe que les immigrés sont responsables de tous les maux. Cela va du licenciement des travailleurs âgés au niveau général des loyers, en passant par l’état du réseau routier et au manque de places assises dans les trains. Bien entendu, une telle vision n’est pas conforme à la réalité.

Le 15ème rapport annuel du SECO sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE met l’accent sur le rôle central de l’ALCP en matière de croissance économique. Entre 2010 et 2018, environ 600’000 emplois ont été créés dans notre pays grâce à la libre circulation. Par ailleurs, on ne constate aucune influence significative de l’évolution et de la structure des salaires depuis l’introduction de l’ALCP. Il se trouve que l’immigration est liée à la demande de l’économie et complète efficacement la main d’œuvre indigène. Contrairement à ce qu’affirment les initiants, aucun phénomène d’immigration de masse n’a été constaté. Le solde migratoire des ressortissants de l’UE/AELE est même en recul depuis plusieurs années.

Il convient d’insister sur le fait que la libre circulation n’est pas à sens unique. En effet, les citoyens suisses en profitent allégrement. Selon les statistiques, un Suisse sur dix vit à l’étranger, ce qui correspond grosso modo à 760’000 personnes. Parmi celles-ci, 62% résident sur le continent européen. Grâce à l’ALCP, ces citoyens helvétiques bénéficient des mêmes conditions de vie et de travail que les ressortissants européens. Ils peuvent s’établir en qualité d’indépendant ou de salarié et se voient reconnaître les diplômes donnant accès à des professions réglementées dans les différents Etats membres de l’UE.

Etonnamment, les initiants passent totalement sous silence les conséquences d’une abolition de la libre circulation des personnes. A ce titre, on rappellera que l’ALCP a été conclu dans le cadre des Bilatérales I, un ensemble de sept accords complétant l’accord de libre-échange de 1972 en prévoyant une ouverture réciproque des marchés progressive et contrôlée. Or, les sept accords sont juridiquement liés entre eux, au moyen d’une clause dite « guillotine ». Une dénonciation de l’ALCP entraînerait ainsi la caducité de la totalité des accords bilatéraux I, d’une importance fondamentale pour l’économie de notre pays. A titre d’exemple, la Suisse devrait tirer un trait sur l’accord sur les obstacles techniques au commerce, qui prévoit une reconnaissance mutuelle des attestations de conformité et permet aux entreprises de gagner du temps et de l’argent lors de la commercialisation de nouveaux produits.

La dangereuse initiative de limitation sera soumise au peuple le 17 mai 2020. Ce sera la quatrième fois que le peuple se prononcera sur l’ALCP, ceci après avoir adopté cet accord dans le cadre des Bilatérales I en 2000, accepté son extension en 2005 et soutenu son renouvellement en 2009, à chaque fois à une nette majorité. L’attachement populaire à l’ALCP s’explique par le fait que ce dernier encourage la mobilité internationale des travailleurs, ce qui favorise une meilleure allocation des ressources, les entreprises suisses ayant la possibilité de recruter plus facilement le personnel qualifié dont elles ont besoin. Les gains de productivité et la croissance du produit intérieur brut s’en trouvent stimulés, et le marché suisse du travail reste durablement attractif.

Au vu de ce qui précède, le Centre Patronal estime que l’initiative de limitation doit être rejetée avec vigueur tant elle est de nature mettre en danger la prospérité de la Suisse, sa place économique et ses entreprises de toutes tailles.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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