Actualités

- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Sanctions internationales : une modification opportune de la loi sur les embargos

modifications-embargo

Aux termes de l’art. 39 de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité est compétent pour constater l’existence d’une menace contre la paix, d’une rupture de la paix ou d’un acte d’agression. Dès le moment où un tel constat est effectué, il est habilité à prendre des sanctions internationales. En pratique, ces dernières affectent généralement les relations économiques et les moyens de communication et servent à faire respecter et appliquer le droit international public. En vertu de la loi fédérale sur l’application de sanctions internationales (loi sur les embargos), la Confédération peut édicter des mesures de coercition pour appliquer les sanctions visant à faire respecter le droit international public, en particulier les droits de l’homme, décrétées par l’Organisation des Nations Unies, par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ou par les principaux partenaires commerciaux de la Suisse.

La loi sur les embargos prévoit que les mesures de coercition concrètes sont prises par le Conseil fédéral par voie d’ordonnance. Durant ces dernières années, le Conseil fédéral a édicté entre autres des mesures coercitives à l’encontre de la République du Soudan du Sud, de la République du Mali et du Venezuela, ceci par le truchement d’ordonnances dédiées. Parmi les mesures adoptées, on trouve des sanctions concernant les biens, diverses sanctions ciblées − par exemple des interdictions d’entrée en Suisse −, et des sanctions financières telles que le gel des avoirs et des ressources économiques. Il est à noter que les personnes ou les institutions qui détiennent ou gèrent des avoirs ou qui ont connaissance de ressources économiques dont il faut admettre qu’ils sont soumis au gel doivent alors les déclarer sans délai au Secrétariat d’Etat à l’économie.

Dans le contexte de la crise ukrainienne et de la guerre du Donbass, l’Union européenne (UE) a décidé en 2014 de prendre un certain nombre de sanctions contre la Russie, ceci notamment en réponse à l’annexion illégale de la Crimée. Etant entendu que l’UE fait partie des principaux partenaires commerciaux de la Suisse, le Conseil fédéral a choisi d’édicter des mesures de coercition. Cependant, l’UE n’avait prévu aucune interdiction d’importer du matériel de guerre en provenance d’Ukraine. Or, compte tenu de la politique de neutralité de la Suisse, il n’était absolument pas envisageable de mettre en œuvre une interdiction d’importer des armes à feu et des engins explosifs à l’encontre d’une seule des parties au conflit. La loi sur les embargos ne permettant pas d’adopter unilatéralement des mesures contre l’Ukraine, le Conseil fédéral a promulgué en 2015 une ordonnance concernant à la fois la Russie et l’Ukraine en s’appuyant sur l’art. 184 al. 3 de la Constitution (Cst) qui dispose que lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l’exige, le Conseil fédéral peut adopter les ordonnances et prendre les décisions nécessaires.

Toutefois, la durée de validité des ordonnances adoptées sur la base de l’art. 184 al. 3 Cst est limitée à quatre ans. Cette situation est insatisfaisante, surtout lorsqu’on sait qu’en pratique, la plupart des sanctions internationales restent en vigueur sur une plus longue période. Récemment, un projet de modification de la loi sur les embargos visant à pallier ce problème a été mis en consultation. Ce dernier a pour but de permettre au Conseil fédéral – via l’introduction d’une disposition spécifique − d’étendre partiellement ou intégralement à d’autres Etats les mesures de coercition visées dans la loi sur les embargos, le tout sans passer par l’art. 184 al. 3 Cst. En tant que responsable de la conduite des affaires étrangères, le gouvernement helvétique gagne à pouvoir agir sereinement en faveur d’une politique de neutralité crédible en imposant des mesures équivalentes à toutes les parties en conflit, même si certaines ne sont pas visées par des sanctions internationales. Partant, le projet de modification de la loi sur les embargos mérite d’être soutenu.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

Partager :