Actualités

- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

USA – Chine : la genèse d’une guerre économique

genese-guerre-economique

La Chine s’est progressivement hissée au sommet de la pyramide économique mondiale. En l’espace d’une trentaine d’années, elle est passée de la 10ème à la seconde place dans le classement des plus grandes économies par PIB nominal, un classement qui reste dominé par les Etats-Unis. Si l’on prend comme indicateur le PIB exprimé en parité de pouvoir d’achat (PPA) – un outil qui mesure le pouvoir d’achat des monnaies par rapport à un panier normalisé de biens et de services – la Chine dépasse les Etats-Unis, avec un PIB de 23’ 301 milliards contre 19’ 391 milliards de dollars.  

Il va de soi que la montée en puissance de l’Empire du Milieu est vue d’un mauvais œil au pays de l’Oncle Sam puisque la suprématie économique américaine est désormais directement menacée. Au début de l’année 2018, le président Trump a déterré la hache de guerre en instaurant des taxes douanières sur les panneaux solaires. Cette mesure agressive de politique commerciale visait au premier chef la Chine, championne toutes catégories du solaire. Pékin a presque immédiatement répliqué en s’attaquant au sorgho américain, une culture fortement subventionnée. Il n’en fallait pas plus pour que la logique implacable du conflit commercial se mette en branle, au risque de plomber la croissance économique mondiale.

Fait de périodes de détente, d’annonces de nouvelles taxes et de mesures de rétorsion, le conflit commercial tient en haleine les principales places financières du globe. Le président américain – pour qui les guerres commerciales sont bonnes car faciles à gagner – se complaît d’ailleurs à maintenir les tensions tout en jouant allégrement avec les médias. Dans ce contexte, les bourses ne savent plus réellement sur quel pied danser ; le moindre tweet allusif est susceptible de faire basculer les cours, au grand dam des investisseurs.

Le positionnement américain est connu : Washington accuse entre autres Pékin de protectionnisme, de vols de technologies, d’espionnage économique et de concurrence déloyale. La Chine profiterait ainsi depuis trop longtemps de l’ouverture du marché américain, cela sans réciprocité puisque l’accès au marché chinois est limité par de nombreuses barrières. Les Etats-Unis estiment que la Chine a une approche excessivement étatiste et mercantiliste de l’économie et du commerce. Ils reprochent en outre à cette dernière de systématiquement sous-évaluer sa monnaie afin de favoriser ses exportations.

Aussi, les Etats-Unis demandent une réduction du déficit américain (378,73 milliards en 2018), la cessation des transferts forcés de technologies, la protection de la propriété intellectuelle et la fin des subventions aux entreprises d’Etat. Pour le moment, les protagonistes ne sont que très partiellement parvenus à s’entendre et les plus grands enjeux restent en négociation.

Au-delà de l’embrouillamini, le conflit commercial peut s’analyser comme un processus de rééquilibrage entre deux puissances passant par une nécessaire redéfinition des échanges commerciaux. Il s’agit également de comprendre que le conflit commercial ne représente qu’un aspect d’une guerre économique protéiforme qui est à la fois commerciale, monétaire, financière et technologique. On assiste à un affrontement entre le MAGA (Make America Great Again) d’une part et le Made in China 2025 d’autre part. Une telle configuration est bien évidemment de nature à perturber les chaînes de valeurs mondiales. A ce titre, d’aucuns vaticinent la fin de l’ère du libre-échange mondial et de la chaîne d’approvisionnement intégrée. Il en résulterait in fine un monde binaire doté de deux chaînes d’approvisionnement et de deux systèmes de télécommunication. Quoi qu’il advienne, l’économie mondiale est à tel point intégrée qu’il est en l’état difficile de concevoir qu’un vainqueur puisse émerger du conflit commercial. La seule issue par le haut consistera vraisemblablement en un protectionnisme négocié. Le moment de relire «The Art of the Deal » ?



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

Partager :