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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

La Perle financière de l’Asie en danger

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Hong-Kong représente le troisième plus grand centre financier de la planète, derrière New York et Londres. Véritable pont entre la Chine et le reste du monde, elle permet non seulement aux investisseurs de pénétrer le marché chinois mais constitue aussi le point de départ privilégié des capitaux en partance de l’Empire du Milieu. Hong-Kong a l’avantage de reposer sur une économie ouverte ; elle est dotée d’infrastructures financières très performantes ainsi que d’un système bancaire à l’occidentale. Il est également à noter que la fiscalité y est avantageuse.

Sur le plan politique, Hong-Kong est une région administrative spéciale de la république populaire de Chine. Cédée au Royaume-Uni à la fin de la première guerre de l’opium, la perle de l’Orient a finalement été rétrocédée à la Chine en 1997. Dans une déclaration commune sino-britannique, Pékin a promis de maintenir le système capitaliste prévalant sur le territoire hongkongais pendant une période de 50 ans. Cet engagement a donné lieu à la formule « un pays, deux systèmes ».

Même si Pékin a recouvré sa souveraineté, Hong-Kong conserve donc un certain nombre de spécificités consacrées au sein d’une loi fondamentale. Hong-Kong dispose ainsi de son propre système juridique et d’un catalogue de libertés autrement plus étendu qu’en Chine, ce qui a d’ailleurs poussé certains opposants politiques chinois à venir s’y réfugier. Cela étant, Hong-Kong n’est pas une démocratie complète, loin s’en faut. La liberté de vote est en effet restreinte puisque seule une fraction du pouvoir législatif est élue par le peuple. En outre, les candidats à l’exécutif sont présélectionnés par Pékin.

Indubitablement, la question identitaire demeure extrêmement sensible au sein de la société hongkongaise. De plus, les inégalités croissantes de revenus et le prix inabordable des logements sont de nature à exacerber les tensions sociales. Dans ces conditions, un rien suffit à mettre le feu aux poudres. Sachant que les citoyens ne peuvent s’exprimer pleinement dans les urnes, ils optent fréquemment pour la voie de la contestation. Le mouvement du ruban jaune et Occupy Central en sont de parfaites illustrations.

Les événements du mois de mars 2019 s’inscrivent sensiblement dans la même lignée. Le projet de loi sur l’extradition des opposants politiques en Chine a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase Ming. La protestation populaire est allée crescendo jusqu’à prendre des proportions inédites. Une large partie de la population réclame désormais depuis des mois une plus grande autonomie, la non-ingérence de Pékin dans le processus démocratique et l’instauration du suffrage universel. Actuellement, la situation demeure plus que jamais tendue, ce d’autant que les fronts se sont notablement radicalisés.

Il ne faudrait pas mésestimer l’importance stratégique et économique de Hong-Kong pour la Chine. Certes, d’autres pôles financiers sont en train d’émerger, notamment Shanghai et Shenzhen. Hong-Kong reste cependant une plaque tournante dans la mobilisation de capitaux pour les entreprises chinoises. Pékin n’a donc pas spécialement intérêt à saborder l’économie hongkongaise, du moins à court terme. Cela étant, la crise politique actuelle – couplée aux effets de la guerre commerciale – a inévitablement conduit Hong-Kong vers la récession.

D’une façon paradoxale, aucun exode des sociétés étrangères n’a été constaté. La bourse a pour sa part fait preuve d’une étonnante résilience. Pour le moment, force est de constater que la place financière résiste et que l’attentisme semble l’emporter sur le catastrophisme. Mais pour combien de temps ? Lorsqu’il s’agit de faire des affaires, le besoin de sécurité juridique est fondamental. Si l’incertitude ambiante devait perdurer, il y a fort à parier que certains n’hésiteront alors pas à opter pour un lieu plus stable, par exemple la cité-Etat de Singapour.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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