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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Un petit pas pour l’Europe, un grand pas pour les Communautés

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En juillet 2020, outre un budget pluriannuel de plus de 1000 milliards d’euros, l’Union européenne (UE) a adopté un plan de relance exceptionnel de 750 milliards d’euros afin de surmonter la crise du coronavirus. Ce plan de relance inédit, baptisé Next Generation UE, sera financé par un emprunt contracté par la Commission européenne au nom de l’UE. Ainsi, grâce à une convergence franco-allemande, les Etats membres s’endetteront pour la première fois en commun. Certes, un groupe de pays qualifiés de « frugaux » s’opposait initialement à un emprunt au niveau européen, arguant que la rigueur budgétaire nordique ne devrait pas pouvoir bénéficier aux champions méridionaux de la dette publique. Moyennant quelques contreparties sous la forme de rabais des contributions nationales, les Etats réfractaires ont finalement accepté le principe de l’endettement en commun.

Il est à noter qu’avant d’adopter le plan de relance, l’UE avait déjà engagé un fonds d’urgence de 540 milliards d’euros, mêlant des financements levés sur les marchés par la Banque européenne d’investissement à un mécanisme de soutien aux systèmes d’assurance-chômage des Etats membres et à la mobilisation du Mécanisme européen de stabilité. La capacité totale dont dispose l’UE pour soutenir la relance dépasse donc les 2’300 milliards d’euros.

En pratique, le plan européen de relance stricto sensu financera des programmes nationauxdans l’ensemble des Etats membres de l’UE, ceci sous forme de subventions(390 milliards d’euros) et de prêts(360 milliards d’euros). D’ici au 30 avril 2021, il revient à chaque Etat de transmettre son programme définitif à la Commission européenne, étant entendu que ce dernier doit correspondre à un certain nombre de critères établis par les institutions de l’UE. Après une première évaluation de la Commission, les plans nationaux pour la reprise et la résilience devront être entérinés par le Conseil. Une attention particulière sera accordée aux objectifs environnementaux ainsi qu’à la digitalisation de l’économie. Le plan de relance européen se veut en effet le héraut de la transition écologique et numérique.  

Sachant que le remboursement du capital de l’emprunt s’étalera jusqu’en 2058, l’UE envisage de créer de nouvelles ressources propres ne reposant pas sur des contributions nationales afin d’honorer ses obligations. En clair, il s’agirait d’introduire plusieurs taxes européennes, parmi lesquelles une taxe sur les déchets plastiques non recyclés, une taxe carbone aux frontières, une taxe sur le numérique ainsi qu’une taxe sur les transactions financières. Le Parlement européen a d’ores et déjà adopté trois règlements qui ouvrent la voie à la réforme des ressources propres et à l’introduction de nouvelles sources de recettes.Ces derniers s’inscrivent dans le cadre de la décision clé relative au système des ressources propres de l’UE (décision 2020/2053) approuvée par le Parlement en septembre et par le Conseil en décembre 2020. On relèvera quele dispositif relatif aux ressources propres – véritable législation établissant le fonds de relance – nécessite en tout état de cause une ratification des Etats membres, ce qui ne va pas sans difficultés. Saisie d’un recours, la Cour constitutionnelle allemande a par exemple suspendu le processus alors même que les deux chambres du Parlement national venaient de s’accorder.

En tout état de cause, force est de convenir que l’endettement commun constitue une nouvelle étape dans l’intégration européenne. La dimension européenne ne s’imposait auparavant aux politiques budgétaires nationales qu’à travers le pacte de stabilité et de croissance. A côté de l’européanisation de la monnaie et des politiques y afférentes, l’intégration budgétaire n’avait jusqu’alors que peu progressé. Toute dette devant être remboursée, le plan de relance européen s’accompagne en outre d’une réflexion fiscale à l’échelle continentale car la prochaine génération sera aussi celle qui passera à la caisse. Il reste à présent à savoir si tous les Etats membres entérineront le cadre législatif concrétisant le renforcement de l’Union, ceci dans l’intérêt de l’économie européenne.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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