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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Suisse-UE : le libre-échange ne suffit pas

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Afin de sauver les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE), d’aucuns en appellent à renoncer à l’accord institutionnel au profit d’une modernisation de l’accord de libre-échange de 1972. Cette proposition visant à remplacer les accords bilatéraux par une approche fondée sur le libre-échange n’est pas nouvelle. L’idée d’un accord de libre-échange global a souvent été citée comme une alternative possible à la voie bilatérale. On se souvient par exemple du postulat Keller-Sutter 13.4022 qui avait amené le Conseil fédéral à rendre un rapport circonstancié en juin 2015.

En règle générale, le but d’un ALE est de favoriser le développement du commerce en supprimant ou en réduisant les obstacles aux échanges internationaux, étant entendu que les parties conservent la faculté de conduire une politique commerciale autonome. Un ALE ne prévoit usuellement aucune harmonisation du droit, sous quelque forme que ce soit. Ainsi, un éventuel ALE global entre la Suisse et l’UE ne pourrait concerner que des améliorations de l’accès au marché réalisables sans harmonisation du droit, autrement dit sans reprise du droit de l’UE ni même accord sur l’équivalence des règles.

L’ALE de 1972 conclu entre la Suisse et l’UE crée une zone de libre-échange pour les produits industriels et régit le commerce des produits agricoles transformés.En vertu de ce traité, les produits issus de l’industrie peuvent circuler en franchise de douane entre la Suisse et les États membres de l’UE, pour autant qu’ils en soient originaires. L’accord interdit par ailleurs toute restriction quantitative ou toute autre mesure ayant un effet équivalent. Il constitue un élément clé des relations commerciales entre la Suisse et l’UE puisqu’il couvre une large partie des flux de marchandises entre les deux partenaires.

Il se trouve qu’en sus des cinq accords d’accès au marché concernés par l’accord institutionnel, l’UE souhaitait initialement inclure l’ALE de 1972. La Suisse s’y est opposée en faisant valoir à raison qu’il ne peut être question d’un accord d’accès au marché au sens de l’accord-cadre que lorsqu’un traité repose sur l’harmonisation du droit et qu’il permet à la Suisse de participer pleinement au marché intérieur de l’UE dans ce domaine. Partant, l’ALE n’a pas été intégré au champ d’application de l’accord institutionnel. Toutefois, sachant qu’une modernisation s’impose, les parties ont convenu de prendre date pour engager des pourparlers en vue d’optimiser cet instrument.

En tout état de cause, un ALE ne permet en aucun cas une participation au marché intérieur. Le libre-échange ne concerne en effet pas certains domaines couverts par la voie bilatérale, comme la libre circulation des personnes (droit d’entrée et de séjour, droit au regroupement familial, coordination des régimes de sécurité sociale, reconnaissance des qualifications professionnelles) et la simplification de l’accès au marché dans certains secteurs de services (transports terrestres, assurances, transport aérien). Il en va également ainsi pour la circulation des marchandises, en particulier s’agissant des obstacles techniques au commerce. A ce titre, on rappellera qu’actuellement, un seul examen de conformité est nécessaire pour les deux marchés. En ce qui concerne la sécurité douanière, un ALE ne supprime pas l’obligation de déclaration préalable pour les exportations à destination de l’UE et les importations en provenance de l’UE, ce qui est de nature à alourdir la charge des acteurs économiques.

Au vu de ce qui précède, le Centre Patronal estime que même modernisé, un ALE limité aux produits industriels ne permet pas de répondre suffisamment aux exigences et aux besoins de l’économie helvétique en termes d’accès au marché. Une vision purement axée sur le libre-échange engendre au contraire une nette détérioration de l’accès au marché intérieur de l’UE. En période de crise économique, il paraît totalement incongru de détricoter le fruit d’années de labeur pour faire un saut dans l’inconnu, surtout lorsqu’on sait qu’une frange de la société civile s’oppose systématiquement aux politiques libre-échangistes.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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