Actualités

- Monde du travail - Jean-Marc Beyeler

Les salaires minimaux cantonaux et les travailleurs détachés

travailleur-detache-salaire-minimum

En 2011, le canton de Neuchâtel avait été le premier à introduire un salaire minimum cantonal. Cela avait alors créé l’émoi des milieux patronaux, qui soutenaient que le principe de la primauté du droit fédéral avait été violé, dans la mesure où seule la Confédération est compétente pour légiférer en matière de droit du travail. Plusieurs recours avaient alors été déposés auprès du Tribunal fédéral, qui a statué que le canton avait agi dans sa compétence d’édicter des mesures de politique sociale afin de lutter contre la pauvreté en général et contre le phénomène des working poors, d’une part, et que le principe de la proportionnalité avait été respecté, puisque ledit salaire, fixé alors à CHF 20.-, était relativement bas et s’approchait des normes en vigueur en matière de prestations complémentaires AVS/AI. Depuis lors, les cantons du Jura et du Tessin ont adopté des salaires minimaux cantonaux (à partir de 2021 seulement au Tessin, des recours étant par ailleurs pendants). A Genève,l’initiative populaire 173 «23 frs, c’est un minimum!» devait être soumise au peuple le 17 mai dernier, mais la votation a dû être reportée en raison de la pandémie de coronavirus. Pour mémoire, les Vaudois avaient refusé l’introduction d’un salaire minimal cantonal dans leur Constitution en 2011.

Aujourd’hui, les champs d’application des salaires minimaux cantonaux existants diffèrent. Ainsi, le canton du Jura prévoit des salaires minimaux pour toutes les personnes travaillant sur son territoire, tandis qu’à Neuchâtel et au Tessin , la loi ne s’applique qu’à celles qui y travaillent habituellement. Cela signifie que les salariés détachés (depuis l’étranger ou d’autres cantons) dont le lieu de travail habituel ne se trouve pas sur le territoire de ces deux cantons n’entrent pas dans le champ d’application de la législation cantonale sur le salaire minimum.

Le Conseil fédéral propose de compléter la loi fédérale sur les travailleurs détachés en ce sens que les entreprises de détachement sont tenues de respecter les salaires minimaux cantonaux, pour autant que les travailleurs détachés entrent dans le champ d’application personnel et matériel des lois cantonales sur le salaire minimum. Ce n’est pas exactement ce que souhaitait le motionnaire Fabio Abate, puisqu’il visait à ce que le salaire minimum tessinois soit appliqué aux travailleurs détachés dans le canton. Mais la Confédération n’a aucune possibilité d’étendre le champ d’application des lois cantonales prévoyant des salaires minimaux.

Cette manière de voir les choses doit être soutenue et permet d’empêcher des discriminations entre les acteurs locaux et les acteurs étrangers, pour autant que le droit cantonal ne prévoie pas le contraire.



Jean-Marc Beyeler,
Responsable du service juridique

Partager :