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- Politique économique - Nicolas Tripet

L’application SwissCovid et nos incohérences

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Ces 18 derniers mois, le débat autour du RGPD[1] et de la révision de la LPD[2] a eu le mérite de faire prendre conscience à la population de l’importance de leurs données personnelles, ainsi que de la gestion et la protection de ces dernières. Pour les entreprises, cela a aussi impliqué un changement de paradigme. On tend à passer de la collecte massive de données du client, dont on pourrait avoir besoin dans un hypothétique avenir, à une collecte sélective : ne collecter que ce que qui est justifié à un temps « t », obtenir le consentement éclairé et veiller à l’accessibilité de la donnée par le client lui-même. Il s’est donc instauré implicitement une sorte de charte éthique du digital à grand renfort de mesures législatives, de pression populaire, voire de zèle des préposés à la protection des données.

S’agissant de la conservation des données, ce nouveau paradigme se matérialise également par une tendance à la décentralisation de la conservation des données plutôt que la compilation sur un seul et même serveur. C’est précisément cette deuxième option qui a été choisie dans le cadre de l’application de traçage SwissCovid, dont la phase pilote est lancée en ce moment par la Confédération. Contrairement au prototype français qui s’appuie sur la centralisation des données, dans le cas de l’option suisse, la donnée anonymisée reste sur le smartphone de l’usager. C’est grâce au bluetooth, sans faire appel à la géolocalisation, qu’on mesure la distance entres les smartphones. IOS et Android, les systèmes d’exploitation des smartphones d’Apple et de Google, ont par ailleurs récemment fait l’objet d’une mise à jour pour permettre aux Gouvernements le développement des app de « tracing » employant cette technologie.

Par ailleurs, le comportement parfois incohérent des internautes quant à la gestion de leurs propres données est mis en lumière en cette période de Covid. Ainsi, à en croire le témoignage de certains restaurateurs, le client serait peu enclin à l’idée d’inscrire, sur une base volontaire et pour une durée limitée, ses coordonnées sur une feuille à l’entrée de l’établissement, mais publierait volontiers sur les réseaux sociaux la photo de l’assiette qu’il s’apprêterait à manger. Fier du premier « resto » de déconfinement entre amis il « taguerait » même l’établissement en question, sans se soucier du système de géolocalisation des GAFAM et de la pérennité, voire de l’exploitation de cette information le concernant.

Reste donc à savoir si l’application SwissCovid résistera au paradoxe du comportement de l’internaute, si l’usager – infecté ou non – maintiendra enclenché le bluetooth de son smartphone et si suffisamment de personnes utiliseront cette app. En matière de traçabilité, comme l’a rappelé le Conseil fédéral lors de sa conférence de presse du 27 mai, le maître mot demeure la responsabilisation.


[1] Règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. Ce règlement, qui touche également les entreprises non européennes traitant avec des résidents de l’UE, stipule que toute donnée personnelle ne peut être collectée et traitée qu’avec le consentement explicite de son propriétaire

[2] Loi Suisse sur la Protection des données en révision totale auprès des Chambres



Nicolas Tripet,
Responsable communication et politique numériques

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