- Numérique - Gauthier Dorthe
Identité électronique: OUI à une modernisation réfléchie
En mars 2021, la Suisse rejetait à 64,4 % une première loi sur l’identité électronique (e-ID). Ce projet, qui confiait la gestion des identifiants numériques à des prestataires privés, avait suscité une large méfiance. La gauche politique, le Parti pirate, des associations de défense des droits numériques et des syndicats dénonçaient une privatisation d’une fonction régalienne, craignant une commercialisation des données personnelles. À l’inverse, les milieux économiques et la droite politique voyaient dans cette e-ID une occasion de modernisation sociale et de compétitivité économique, regrettant une occasion manquée pour la numérisation du pays.
Face à ce rejet, le Parlement a adopté en décembre 2024 une nouvelle loi sur l’e-ID, cette fois entièrement étatique, gratuite et facultative. Une fois l’e-ID mise à disposition, il sera toujours possible d’utiliser d’autres moyens d’identification pour chacune des prestations offrant la possibilité de l’identité électronique. L’e-ID permettra par exemple aux citoyens de prouver leur identité en ligne, facilitant l’accès aux services administratifs, la signature électronique et la vérification d’âge, tout en respectant le principe de minimisation des données. La Confédération en sera l’émettrice exclusive, apportant ainsi une garantie de souveraineté, et la protection des données sera renforcée par le fait que l’essentiel des données ne sera pas enregistré de manière centralisée, mais uniquement sur le certificat électronique délivré aux utilisateurs. Cette infrastructure de confiance, prévue pour 2026, est notamment saluée par les milieux économiques et les cantons, qui y voient un levier pour la numérisation des services publics et privés. Elle est également soutenue par l’Organisation des Suisses de l’étranger, qui considère qu’elle permettra de faciliter l’exercice des droits politiques à distance. La Suisse comblerait aussi son retard, étant l’un des rares pays européens à ne pas encore disposer d’une identité électronique.
Cependant, plusieurs référendums ont abouti contre cette nouvelle loi. Le mouvement Mass-Voll notamment, issu de la contestation des mesures anti-Covid, dénonce une atteinte aux droits fondamentaux. D’autres comités, tels que les Amis de la Constitution et le Parti pirate, expriment des craintes similaires concernant la surveillance et la dépendance technologique.
La votation à venir ce 28 septembre prochain permettra de recentrer le débat sur les véritables enjeux de souveraineté numérique et de protection des données. A ces égards comme à l’égard du projet dans son ensemble, le résultat est largement satisfaisant. Un OUI dans les urnes est recommandé. Quelle que soit la confiance qu’on a dans les autorités, il faut juger le projet pour ce qu’il est: l’identité électronique ne sera pas obligatoire, mais elle sera mise à disposition des nombreux utilisateurs qui souhaitent l’utiliser, voire qui en ont besoin.