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- Monde du travail - Patrick Mock

Les demandes généralisées de hausses de salaire méritent d’être nuancées

Depuis le début du mois d’août, les demandes de hausses généralisées de salaire se multiplient, les syndicats demandant des augmentations allant de 3 à 6%. Leurs revendications sont notamment justifiées par la hausse générale du coût de la vie, les gains de productivité des entreprises, l’excellente situation économique actuelle, le plein marché de l’emploi et l’augmentation anticipée des primes d’assurance maladie. Plus généralement, ils mettent en exergue l’érosion du pouvoir d’achat et ses conséquences néfastes sur l’économie.  

Alors qu’on rentre dans la période de négociation des conventions collectives de travail, il est utile de rappeler certains points tus par les syndicats. Tout d’abord, il est important d’avoir en tête qu’un certain nombre d’entreprises ont été affaiblies par la crise du COVID et qu’elles n’ont pas forcément toutes les capacités financières pour octroyer des hausses généralisées de salaire. Plus globalement, dans une économie où un franc sur deux est gagné à l’étranger, la force du franc oblige actuellement les entreprises qui veulent rester compétitives à diminuer leur marge et donc à dégager moins de bénéfice, limitant par-là l’enveloppe dévolue aux augmentations de salaire. Ensuite, concernant l’inflation et le renchérissement du coût de la vie, il se pourrait bien que la hausse des prix des matières premières ne soit que passagère et que, passé le conflit russo-ukrainien, les prix retrouvent leur niveau d’avant crise. Dans le cas contraire, on notera surtout que ce sont les entreprises (plus énergivores que les particuliers) qui sont fortement pénalisées par ces hausses de prix, avec des factures d’électricité qui quadruplent, le coût du mazout et du gaz qui double et, en toile de fond, de sérieux risques de pénurie d’énergie dès le premier semestre 2023. Par ailleurs, au chapitre des pénuries, la raréfaction des matières premières impacte aussi la productivité et participe à la hausse des prix avec là aussi un fort impact sur les marges. On peut encore ajouter à cela l’augmentation des taux d’intérêt hypothécaires quand l’entreprise est propriétaire de ses murs ou des frais accessoires (chauffage et électricité notamment) quand elle en est locataire ; sans oublier les risques sanitaires avec une épidémie du COVID qui n’a certainement pas dit ses derniers mots. 

En outre, l’argument du plein emploi ne plaide pas en faveur d’augmentations généralisées car cette situation fait que les entreprises, pour attirer le personnel dont elles ont cruellement besoin, vont immanquablement proposer des salaires plus attractifs. Ainsi, c’est le marché lui-même qui va automatiquement réguler les salaires vers le haut sans besoin d’interventions externes.

Enfin, l’éternel argument de la hausse des primes d’assurance maladie ne doit pas être pris en considération. En effet, l’augmentation des coûts de la santé n’a assurément pas à être mis à la charge des entreprises.

Au final, dans un tableau pas aussi idéal que celui dressé par les syndicats, même s’il est indéniable que la perte du pouvoir d’achat nuit à l’économie et qu’il est important de compenser l’inflation, il faut que les adaptations de salaire se fassent là où c’est possible sans mettre en péril l’avenir économique de l’entreprise.



Patrick Mock,
Responsable politique marché du travail

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