- Actualités Vaudoises - Jérôme Simon-Vermot
Coupes budgétaires dans la santé vaudoise : le Conseil d’Etat se trompe de cibles

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Le Conseil d’Etat a annoncé cet été des coupes de CHF 20 millions pour les hôpitaux périphériques et les pôles de santé régionaux. Le CHUV est, semble-t-il, épargné alors qu’il s’agit du plus gros consommateur de subventions cantonales. Retour sur le dossier des PIG.
Les hôpitaux vaudois ont été marqués au début du mois de juillet par les déclarations du Conseil d’État qui, confronté à des finances dans le rouge, a décidé d’imposer des coupes majeures dans le secteur de la santé. Ces mesures budgétaires, qui sont encore en discussion, visent à réaliser plus de CHF 20 millions d’économie au sein des hôpitaux de la Fédération des hôpitaux vaudois (FHV). Ces chiffres, s’ils devaient se confirmer, constitueraient une atteinte particulièrement importante à l’encontre des pôles de santé régionaux comme ceux de la Vallée de Joux ou du Pays d’Enhaut, menaçant, par là même, leur existence.
Les principes d’efficience, de qualité et d’économicité qui commandent l’affectation des ressources dans le domaine de la santé sont indiscutablement des valeurs cardinales qui doivent permettre une utilisation rationnelle des deniers publics. Dans cet esprit, le nouveau financement hospitalier de 2012 visait à améliorer le caractère économique et qualitatif des prestations dispensées dans nos établissements de soins. Il a, en particulier, mis en œuvre un certain nombre de principes tels que le système des forfaits par cas, adossé à la structure tarifaire Swiss DRG, l’abandon du financement de l’établissements hospitalier au profit du financement du patient et instauré le libre de choix de l’hôpital dans toute la Suisse. L’un des buts majeurs de cette réforme était d’améliorer la qualité et l’économicité des soins en introduisant de la concurrence entre les établissements hospitaliers et en les motivant ainsi à plus d’efficience. Le législateur a expressément exclu des rémunérations issues des forfaits par cas le coût des prestations d’intérêt général (PIG, art. 49 al. 3 LAMal). Ces prestations comprennent notamment le maintien des capacités hospitalières pour des raisons de politique régionale, ainsi que la recherche et la formation universitaire. L’idée est donc que l’Etat puisse subventionner, en dehors des forfaits, un certain nombre d’activités, jugées d’intérêt général.
Les PIG dans le Canton de Vaud
Vaud figure en tête des cantons qui versent le plus de subventions au titre des prestations d’intérêt général. Ainsi, près de CHF 500 millions sont attribués chaque année principalement au CHUV et, dans une moindre mesure, aux hôpitaux de la FHV. Un rapport de la Cour des comptes de septembre 2023 (Rapport n° 80 : Commande de prestations d’intérêt général (PIG) aux hôpitaux vaudois) a tenté de faire la lumière sur ces montants considérables. On retiendra du rapport les éléments suivants : CHF 210 millions concernent la recherche et la formation, CHF 100 millions servent à financer des prestations de santé publique (urgence préhospitalière et hospitalière, psychiatrie de liaison…) ; CHF 150 millions concernent les PIG dites «implicites» qui constituent, depuis l’introduction du nouveau financement hospitalier, une part encore non expliquée du financement cantonal (sic) et enfin CHF 30 millions qui servent à financer diverses contributions versées au titre de maintien des capacités hospitalières pour des raisons de politique régionale.
«Alors, pourquoi le Conseil d’Etat s’en prend-il aux subventions qui sont légitimement versées aux pôles santé des régions périphériques au titre de la politique régionale alors qu’un montant bien plus important continue d’alimenter les inefficiences du CHUV ?»
Les PIG «Implicites», une vaudoiserie qui coûte cher au contribuable
Les PIG «implicites» sont une construction vaudoise que d’aucuns jugent parfaitement illégales et qui font actuellement l’objet d’une demande d’enquête préalable auprès de la COMCO initiée par l’Association vaudoise des cliniques privées (Vaud Cliniques). Il est par ailleurs assez surprenant que la Direction générale de la santé (DGS) ne sache pas expliquer quelles prestations elle obtient en échange du versement de CHF 150 millions par année. Des travaux seraient toutefois en cours pour expliciter ces montants au sein du Département de la Santé et de l’Action sociale (DSAS).
Les PIG «implicites» constituent en réalité un subventionnement des insuffisances tarifaires. Ainsi, l’Etat subventionne le coût des cas dont les rémunérations devraient normalement provenir exclusivement des tarifs forfaitaires négociés entre assureurs et hôpitaux. Le versement de subventions en sus du financement traditionnel est certes prévu par la LAMal pour le maintien des capacités hospitalières pour des motifs de politique régionale (avec les tarifs négociés, les structures hospitalières décentralisées n’arriveraient pas à fonctionner faute de masse critique. Le maintien des prestations à la population justifie dès lors légitimement la prise en charge des surcoûts par le Canton). En revanche, ce subventionnement ne saurait bien évidemment pas s’appliquer aux hôpitaux situés dans les centres urbains, ni -à plus forte raison- à l’hôpital universitaire. Il se trouve pourtant que sur les CHF 150 millions de PIG «implicites», CHF 130 millions sont versés au CHUV ! Le système des PIG «implicites» contredit sans aucun doute l’esprit du nouveau financement hospitalier prévu par la LAMal et n’incite aucunement à l’efficience et à l‘économicité.
Alors, pourquoi le Conseil d’Etat s’en prend-il aux subventions qui sont légitimement versées aux pôles santé des régions périphériques au titre de la politique régionale alors qu’un montant bien plus important, contraire aux règles de financement prévues par la LAMal, continue d’alimenter les inefficiences du CHUV au grand dam du contribuable ? Il y a lieu de remettre urgemment en question la politique centralisatrice du Canton en matière de système de santé. Gageons que le dépôt de la résolution de la députée Céline Baux « Garantir le maintien de l’accès à des soins de proximité dans tout le Canton » et les questions du député Fabrice Moscheni concernant les PIG y contribuent et alimentent les débats à venir.

Lorsqu’on profite de l’été pour avancer dans sa to-do list, on se rend parfois compte que certaines tâches qui traînaient n’ont plus lieu d’être et que le problème s’est résolu tout seul. Une sensation exquise. C’est un peu ce que vit le Grand Conseil qui, à l’occasion de sa rentrée, a traité une liste longue comme le bras de questions et d’interpellations, dont deux en tout cas correspondent à cette situation.
En février 2022, Nicolas Suter (PLR) interpelle le Conseil d’Etat au sujet de la hausse des tarifs de gaz et d’électricité et de son impact sur l’économie. Il aura fallu 39 mois au Conseil d’Etat pour répondre, puis 3 pour que le Grand Conseil s’en saisisse. Les prix sont nettement redescendus depuis.
Ils ne sont d’ailleurs pas les seuls à être redescendus : en juin 2023, Thanh-My Tran-Nhu (PS) développe une interpellation au sujet des enjeux sécuritaires d’avoir trois clubs de foot vaudois en première division. La réponse est venue après 15 mois, puis il a fallu en attendre 11 pour que le sujet soit à l’ordre du jour. Depuis, il n’y a plus qu’un club vaudois en Super League. La lenteur facilite parfois les choses.

secrétaire général adjoint – FPV