Actualités

- Actualités Vaudoises - Cenni Najy

Report modal dans le district de Nyon: leçons d’un échec

Cenni Najy
Rédacteur

«Globalement peu avancé». C’est avec un sens aigu de la litote que la Cour des comptes critique la mise en œuvre de la politique des transports dans le district de Nyon. Dans cette affaire, les torts sont partagés. La Cour souligne néanmoins les limites de la coopération entre les collectivités impliquées. Elle pointe également du doigt le travail de la municipalité de Nyon, qui semble éprouver de réelles difficultés à mener une politique des transports efficace et cohérente.

La Cour des comptes a analysé les performances des administrations publiques du district de Nyon dans la mise en œuvre des mesures favorisant le report modal des transports individuels motorisés (TIM) vers les transports publics (TP). Cette question est loin d’être anecdotique puisque le report modal constitue l’une des raisons d’être de la coopération franco-valdo-genevoise. En effet, le «Grand Genève» est victime de son succès économique et la population connaît une forte croissance. En corollaire, le volume des TIM y augmente et met sous pression les infrastructures qui souffrent de la congestion de l’autoroute A1 et de la saturation de la ligne ferroviaire Lausanne-Genève, toutes deux vieillissantes. Face à cette situation, les collectivités du «Grand Genève» ont élaboré plusieurs mesures visant à renforcer les TP, qui ont obtenu l’aval de la Berne fédérale. A ce titre, elles ont bénéficié de fonds issus des «Projets d’agglomération» (PA). 

La Cour des comptes reconnaît que les (25) mesures vaudoises des différentes générations de PA qu’elle a analysées sont en adéquation avec les attentes d’une population franco-valdo-genevoise qui a soif de mobilité. En revanche, elle constate que la mise en œuvre rencontre des difficultés d’ordre pratique. Ainsi, 80% de ces mesures des PA actuels sont toujours au stade des études préliminaires ou des avant-projets. Pis, on apprend qu’en raison de leurs retards, certains projets ont perdu leurs cofinancements fédéraux. Une telle situation doit nous interroger. En effet, les enjeux financiers se comptent en millions de francs.              

Des torts partagés mais un point noir à Nyon

Reconnaissons tout d’abord que les mesures des PA en question, qui vont du développement de nouvelles lignes de bus à la réalisation de P+R («Park and Ride») ou de pistes cyclables, sont longues et complexes à mettre en œuvre. En effet, leur réalisation dépend de plusieurs prérequis dont: une excellente planification, une expertise dans la gestion de projets pluriannuels, une maîtrise du foncier et une bonne coopération entre les différents échelons administratifs. Or il apparaît que ces prérequis n’ont pas été remplis dans un nombre élevé de cas. La Cour met notamment en cause les divergences de vue entre les différents acteurs impliqués, ainsi que le manque de suivi sur le temps long. A l’avenir, elle estime qu’il faudra prendre des dispositions pour éviter que des mesures «peu matures» ne se fraient un chemin dans les prochains PA.

Par ailleurs, la Cour note quelques dysfonctionnements préoccupants dans la gestion des projets incombant à la commune de Nyon. Elle recommande donc la mise en place d’une cellule de pilotage et de coordination spécifique. En outre, elle met en évidence la difficulté de la commune à collaborer avec le Canton sur des projets d’importance dont le réaménagement du périmètre de la gare de Nyon. Or ces facteurs font peser des risques sur la réussite de plusieurs projets clés qui pourraient perdre leurs cofinancements fédéraux. Citons à cet égard l’interface trains-bus qui doit être drastiquement améliorée pour décongestionner les routes secondaires de toute la région.

«Depuis 2000, la population de la région nyonnaise a crû à un rythme annuel proche de 2%, ce qui a provoqué une hausse de tous les types de flux»

Contradictions…

Au-delà de ces problèmes pratiques et des pistes de réponses possibles, nous ne pouvons nous empêcher de relever un certain niveau d’incohérence dans la politique des transports menée par la commune de Nyon.

En novembre dernier, la municipalité nyonnaise a bruyamment manifesté son rejet de l’extension de capacité de l’autoroute A1 entre Le Vengeron (GE) et Nyon. Ce faisant, elle s’est inscrite en opposition à la volonté du législateur fédéral et en porte-à-faux avec les experts de l’Office fédéral des routes qui préconisent de soutenir la mobilité douce mais aussi de renforcer cet axe de transport en raison de son efficacité et de sa capacité à délester le réseau secondaire des TIM. Ce positionnement a aussi révélé une situation de déni face à l’augmentation de la démographie de la région. Depuis 2000, la population de la région nyonnaise a crû à un rythme annuel proche de 2%, ce qui a naturellement provoqué une hausse de tous les types de flux (TP et TIM). Entre autres raisons invoquées pour étayer son refus de mettre à niveau l’A1, la municipalité de Nyon estime qu’il convient plutôt de développer la mobilité douce et «d’apaiser le trafic». Pourtant, l’audit de la Cour des comptes mentionné ci-dessus montre que cette même municipalité n’a pas été en mesure d’assigner les ressources nécessaires pour conduire avec rigueur des projets planifiés il y a plus de dix ans et qui devaient, ironie du sort, favoriser la mobilité douce.

Les «prestations d’intérêt général» (PIG) versées par l’Etat aux hôpitaux continuent à intéresser le Grand Conseil, à raison. On se souvient que la Cour des comptes avait pointé du doigt ces flux financiers colossaux qui manquent d’objectifs et de contrôles suffisants. Ce n’est pas moins de 150 millions de francs par année dont on ne sait à quoi ils servent.

Au moyen d’une motion intitulée «Pour des comptes et des budgets plus transparents sur les montants des PIG», le député Fabrice Moscheni demande au Conseil d’Etat de «faire les modifications légales nécessaires afin de fournir aux députés, lors de l’examen des comptes et du budget de l’Etat, une classification des montants des PIG selon le système de catégorisation développé par la Cour des Comptes, y inclus les PIG pour lesquels aucune catégorie explicitée par la Cour des Comptes n’existe». Lors du débat, un député d’extrême gauche s’émeut : «cette motion qui instille le doute». Drôle de qualificatif pour une motion qui demande juste un peu plus de clarté. La transparence génèrerait donc le doute ?

Baptiste Müller
Rédacteur responsable



Cenni Najy,
Responsable politique Mobilité, énergie, environnement

Partager :