- Actualités Vaudoises - Olivier Rau
Initiative “Sauvons le Mormont”: un contre-projet au mieux inutile

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Le 28 septembre prochain, le peuple vaudois peut refuser sans état d’âme non seulement l’initiative extrême et absurde, mais aussi son contre-projet. La durabilité et l’économie circulaire ne l’ont pas attendu. Il n’en reste pas moins préférable à l’initiative elle-même au cas où les deux obtiendraient une majorité.
L’initiative extrême et absurde «Sauvons le Mormont» exige d’interdire purement et simplement toute exploitation du sol sur la colline du Mormont. Or la fabrique de ciment qui s’y trouve joue un rôle important pour les activités de construction en Suisse romande, reconnu par le Tribunal fédéral dans un arrêt de 2022, qui évoque un «intérêt national» s’agissant de l’extraction du calcaire pour la production de ciment en Suisse romande. L’initiative menace la construction de nouveaux logements – pourtant nécessaires face à la pénurie – en tarissant la source des matériaux nécessaires. Or le béton est aussi utilisé dans de nombreuses autres infrastructures, et de toute manière les activités de construction ne s’arrêteraient pas avec la disparition de la fabrique d’Eclépens. La conséquence serait plutôt qu’une partie importante des matériaux aujourd’hui produits dans notre région devraient être importés (environ 60’000 passages de camions supplémentaires chaque année), tandis qu’un important volume de déchets employés aujourd’hui comme combustibles pour le four de la cimenterie devraient être placés dans des décharges.
Cette initiative est flanquée d’un contre-projet de rang constitutionnel qui prévoit de consacrer une nouvelle disposition de notre charte fondamentale à l’économie circulaire. Ce contre-projet a d’ores et déjà manqué son but, qui était d’obtenir du comité d’initiative le retrait de son texte.
«Aucune de ces bonnes pratiques, aucun de ces efforts substantiels du secteur de la construction n’a eu besoin d’une disposition constitutionnelle spécifique pour voir le jour.»
L’économie n’a pas attendu
Dans la campagne, il est frappant de voir tous les exemples qui sont cités de réussites durables et de réalisations concrètes en matière d’économie circulaire. Les producteurs de béton, confrontés comme d’autres aux exigences de réduction des émissions de CO2, déploient d’ores et déjà d’importants efforts pour récupérer la chaleur issue des fours et pour développer des techniques de production à faibles émissions. Un accent particulier est aussi mis sur la récupération et le recyclage de matériaux de construction, à commencer par le béton.
A l’occasion de sa conférence de presse du 28 août 2025, le conseiller d’Etat en charge du dossier a évoqué la création du centre de compétence pour la durabilité dans la construction par les acteurs de la branche, et relevé que «des projets de construction durables se réalisent aux quatre coins du canton, des PME développent des matériaux bas carbone, des projets de réemploi, etc.».
Aucune de ces bonnes pratiques, aucun de ces efforts substantiels du secteur de la construction n’a eu besoin d’une disposition constitutionnelle spécifique pour voir le jour. Cette disposition est donc superflue et inutile, d’autant que le droit fédéral a récemment été modifié (le conseiller d’Etat y a aussi fait référence). C’est ainsi, en particulier, que la loi sur la protection de l’environnement met désormais un accent sur l’économie circulaire, notamment en ce qui concerne les déchets urbains et la valorisation des matériaux. Cela fait suite à une initiative parlementaire 20.433 «Développer l’économie circulaire en Suisse».
Davantage de bureaucratie
Qui dit nouvelle disposition constitutionnelle dit aussi nouvelle législation d’application, nouveaux règlements et nouvelles directives. On sait à quel point de telles nouveautés peuvent avoir des effets fâcheux en termes de bureaucratie et de gonflement de l’administration, avec la création de nouveaux postes. C’est d’autant plus vrai que le Conseil d’Etat estime, et l’écrit en page 20 de sa brochure explicative, «que l’initiative manque d’ambition». Il ajoute à la page suivante que «l’article constitutionnel proposé se veut être une stratégie globale pour l’économie circulaire». Cela n’augure probablement pas grand-chose de bon pour la liberté d’entreprendre et l’initiative privée.
On peut parfaitement s’engager avec conviction pour la durabilité et en faveur de l’économie circulaire sans pour autant se sentir obligé d’accepter le contre-projet. Si ce contre-projet inspire à juste titre de la méfiance, il n’en reste pas moins préférable à l’initiative elle-même, au cas où les deux obtiendraient une majorité populaire. A la question subsidiaire, il faut donc préférer le contre-projet.

Dans le cadre du débat sur plusieurs décrets consacrés au transport ferroviaire de marchandises (24_LEG_171), le Grand Conseil a décidé de supprimer un équivalent plein-temps (EPT) qui était destiné à contrôler et assurer le suivi des subventions en lien avec ce projet. En effet, l’Office fédéral des transports (OFT) et le Canton disposent déjà de moyens dans ce domaine. Cet amendement, proposé par Oscar Cherbuin (Vert’libéral), a été accepté à une courte majorité dans une opposition classique gauche-droite.
Ce sont CHF 600‘000 qui seront économisés au total. Cette décision illustre bien la nécessité pour le législatif d’étudier en détails les projets et de réduire les ambitions de nouveaux postes du Conseil d’Etat et de son administration, là où cela est nécessaire. L’Etat doit en effet d’abord étudier la possibilité de trouver des ressources en interne, d’optimiser les processus et d’être globalement plus efficient.

Rédacteur responsable, , secrétaire général adjoint – FPV