- Actualités Vaudoises - Jean-Blaise Roggen
L’Arc lémanique en catalyseur fiscal de la Confédération

Rédacteur
Les statistiques fiscales 2024 de la Confédération sont formelles: l’Arc lémanique est de très loin le plus grand pourvoyeur de la Confédération. Vaud et Genève versent à eux deux la part du lion en termes d’impôt fédéral direct, bien loin devant la modeste contribution du canton de Berne et devant les recettes du canton de Zurich qui abrite pourtant la métropole économique du pays.
Les cantons lémaniques ont intériorisé depuis un certain temps déjà le fait qu’ils constituent le second pôle économique de ce pays. Certaines recettes de ce succès sont connues depuis longtemps, à l’image du négoce de matières premières ou de la gestion de fortune privée. D’autres, non moins spectaculaires, ont émergé plus récemment, comme les sciences de la vie ou les hubs technologiques autour des grandes écoles.
Pourtant, les habitants de l’Arc lémanique peinent à prendre l’exacte mesure de leur succès et se considèrent encore parfois comme d’aimables cigales au bord d’un plan d’eau enchanteur. Oui mais voilà: la cigale a de sérieux airs de fourmi bodybuildée car les chiffres, contrairement aux réputations, ne mentent pas. Si l’on en croit en effet les «Statistiques fiscales fédérales 2024», ce ne sont pas moins de CHF 7,555 milliards (4,497 milliards pour Genève et 3,58 milliards pour Vaud) que les deux cantons lémaniques ont fourni à la Confédération en 2024 au titre de l’impôt fédéral direct (IFD). Beau résultat pour une population combinée de 1’390’000 habitants. De son côté, le très affirmé canton de Zurich, fort de ses 1’622’494 habitants, a contribué au ménage fédéral à hauteur de 5,575 milliards, alors que le canton Berne et ses 1’072’948 habitants généraient la modique somme de 1,7 milliard.
«Si le citoyen lémanique est vaudois et qu’il ploie sous la charge fiscale, il se demandera comment, en produisant de telles rentrées fiscales, son canton peut générer l’ombre d’un déficit.»
Y en a point comme nous
Chiffres absolus nous direz-vous! Soit, mais rapportés au nombre d’habitants, l’éloquence de ces montants ne fait que se confirmer puisque le Vaudois génère le très respectable montant de CHF 3’566.- d’IFD par an quand son compatriote zurichois n’en produit que CHF 3’436.-. Aux deux extrêmes du spectre, le Genevois rapporte CHF 8’441.- tandis que le Bernois atteint péniblement CHF 1’584.-.
Très bien, rétorquera-t-on, mais c’est un feu de paille remarquable durant une seule année faste; quid des années précédentes, n’infirment-elles pas cette tendance? Eh bien non puisqu’au contraire, elles confortent et renforcent ce premier constat. En effet, Vaud et Genève présentent sur la période 2021-2024 des montants d’IFD par habitant respectifs de CHF 3’529.- et CHF 6’613.- tandis que Zurich et Berne atteignent quant à eux CHF 3’310.- et CHF 1’575.- durant le même temps. Bien sûr, ce calcul est notionnel (montant d’IFD par canton divisé par la population de celui-ci) et cela ne signifie pas que nos concitoyens eux-mêmes génèrent des revenus imposables supérieurs à leurs compatriotes orientaux. En effet, la part de l’impôt sur le bénéfice des personnes morales est tendanciellement plus importante en terres lémaniques. Soit, mais les bénéfices des entreprises ne reflètent-ils pas la vitalité-même d’une économie?
Enfin une dernière objection: compare-t-on vraiment «des pommes et des pommes», quelques «poires» ne se seraient-elles pas glissées dans le panier? Autrement dit, compare-t-on vraiment les mêmes termes? Oui, car l’impôt fédéral direct comprend l’impôt sur le revenu des personnes physiques comme celui sur le bénéfice des personnes morales, tous deux prélevés sur les mêmes bases imposables en appliquant les mêmes barèmes et déductions autorisées dans tout le pays et sous l’étroit contrôle de la Confédération. Le doute n’est donc plus vraiment permis et l’Arc lémanique peut être jugé à sa vraie place dans le paysage des finances publiques suisses: la première, et de très loin.
Donner sans rien attendre en retour
Ce petit moment de fierté et de célébration passé, et s’il a le malheur d’être un usager des transports publics, le citoyen lémanique jettera un regard mélancolique sur le manque de capacité de la ligne ferroviaire Lausanne-Genève. S’il préfère l’automobile pour ses déplacements, il portera le même regard attristé sur les bouchons lancinants qui rythment ses journées dans les agglomérations lausannoise et genevoise en songeant avec un mélange de satisfaction et d’envie aux infrastructures rutilantes des agglomérations bernoise et zurichoise à la magnificence desquelles il est loin d’être étranger.
Enfin, s’il est citoyen vaudois et qu’il ploie sous la charge fiscale, il se demandera comment, en produisant de telles rentrées fiscales, son canton peut générer l’ombre d’un déficit. De la pénombre à la lumière de la reconnaissance nationale et vers le soulagement de son lourd fardeau contributif: voilà le double destin que l’on souhaite à cette humble et très méritante cigale lémanique, plus productive que toutes les fourmis auto-proclamées du Grand Est.

Le Grand Conseil vaudois a son premier millésime de vin, issu des 157 pieds de vignes plantés en contrebas du parlement. Dans le cadre d’une collaboration avec l’ECAL, l’étiquette retenue, conçue par Léa Verboux, s’intitule « Les Trois Portes » et évoque la séparation des trois pouvoirs. Un bon rappel à l’heure de l’apéro lorsque tous les pouvoirs se retrouvent au carnotzet.
Le vin, un chasselas bien sûr, a été vinifié par le député et vigneron Maurice Neyroud. Tout le monde sait que ce cépage emblématique exprime fortement son terroir. Cela signifie que le goût et les caractéristiques du chasselas varient considérablement selon l‘endroit où le raisin est cultivé.
On peut donc s’attendre à un vin avec attaque douce mais parfois un peu lent à se décider. Des accents de compromis mou, sur un fond de consensus convenu. Un soupçon d’amendements de dernière minute au bouquet final. Enfin quelques tanins d’hésitation, surtout en année électorale. Espérons que le millésime 2026 aura aussi des notes de rigueur budgétaire. Santé !

Rédacteur responsable, , secrétaire général adjoint – FPV