- Actualités Vaudoises - Olivier Rau
Un bouclier fiscal, pour quoi faire?

Rédacteur
Les récents évènements ont donné un coup de projecteur sur un outil peu connu du grand public, mais hélas indispensable pour tous les Etats qui, comme le Canton de Vaud, se distinguent en ayant la main particulièrement lourde en matière d’impôt sur la fortune.
Sans mesure corrective, il peut arriver que l’imposition sur la fortune soit tellement excessive qu’elle en vienne à violer deux importants principes de la Constitution fédérale: celui de la garantie de la propriété, d’une part, qui interdit l’imposition confiscatoire, et celui de l’imposition selon la capacité économique, d’autre part, qui prévoit que l’impôt appréhende de manière appropriée cette capacité du contribuable.
Cette mesure corrective, c’est le désormais fameux bouclier fiscal, qui consiste à réduire l’impôt sur la fortune pour éviter d’aboutir à une imposition excessive. En Suisse, seule une petite minorité de cantons ont dû mettre en place un tel mécanisme: Genève, Vaud, Valais, Berne, Bâle-Ville et Argovie. En droit fiscal vaudois, il existe une règle en la matière depuis 2009, qui – notamment – pose le principe d’une imposition cantonale maximale sur le revenu et la fortune de 60% du revenu imposable. Avec l’impôt fédéral direct, on arrive à un total de 71,5%.
A l’automne 2021, sous le prétexte d’une évolution jurisprudentielle dans un cas genevois et en marge du vote sur le budget 2022, le conseiller d’Etat alors en charge des finances et son administration fiscale ont fait en sorte que le Grand Conseil modifie la législation, ce qui s’est produit sans débat ni en plénum, ni en commission. A noter, et c’est piquant, qu’en page 74, l’exposé des motifs de cette modification (objet parlementaire 21_LEG_172) indique comme conséquences financières: «Stabilité des recettes fiscales»…
«La modification législative de décembre 2024 est indispensable pour rétablir un bouclier fiscal effectif et conforme aux principes constitutionnels.»
Une catastrophe
Bien loin d’une stabilité, les effets de cette modification des règles et de la pratique de l’administration en matière de bouclier fiscal sont apparus au fur et à mesure qu’étaient notifiées aux contribuables concernés les décisions de taxation relatives à l’année 2022. Il a alors été constaté que deux changements majeurs intervenaient par rapport au régime antérieur, en matière de rendement de la fortune et de calcul du revenu net. Ces modifications ont engendré des augmentations d’impôts tout à fait spectaculaires chez de nombreux contribuables, y compris des cas où le cumul des impôts dépassait 100% du revenu net.
Les organisations économiques vaudoises ont alerté les autorités politiques sur cette situation dès le mois de décembre 2023. Il était d’emblée évident que ces changements plaçaient le Canton de Vaud dans une situation catastrophique en comparaison intercantonale, avec la très compréhensible tentation, pour certains, de chercher d’autres cieux fiscaux plus cléments et donc de funestes conséquences en perspective pour les finances de l’Etat.
Correction apportée, mais…
Au printemps 2024, si l’on en croit le journal 24 heures dans ses articles des 26 et 28 mars 2025, le Conseil d’Etat a été nanti de trois avis de droit. Deux émanent de professeurs de droit fiscal à l’Université de Lausanne et «estiment qu’il est tout à fait possible de passer par la voie administrative» pour en revenir à une pratique conforme aux principes constitutionnels. Le troisième est rédigé par la Direction générale des affaires institutionnelles (DGAIC) et «recommande de passer par la voie légale pour modifier le bouclier fiscal». C’est cet avis interne à son administration que le Conseil d’Etat a décidé de suivre, en proposant une nouvelle modification législative en marge du budget 2025.
Cette modification, complétée par le Grand Conseil, a finalement été adoptée par ce dernier le 17 décembre 2024. Elle prévoit notamment qu’elle «s’applique à toutes les taxations encore ouvertes à partir de la période fiscale 2022». Elle a donc heureusement un effet rétroactif, mais il est limité aux taxations non entrées en force, ce qui ne permet hélas pas d’éviter de potentiels traitements différents selon le moment où telle ou telle taxation peut ou a pu être émise pour les années fiscales 2022, 2023 et 2024.
Plus grave encore: alors qu’elle est présentée à juste titre comme indispensable pour rétablir un bouclier fiscal effectif et conforme aux principes constitutionnels, la modification ne peut pas encore être mise en application en raison de la clause guillotine qui la lie, de par la volonté du Grand Conseil, à l’initiative populaire «Baisse d’impôts pour tous». Cette clause pose de délicates, mais fondamentales questions, dont la justice est saisie et qu’elle droit trancher.
Dans ce marasme et face à tous ces effets secondaires, on se dit que la meilleure chose serait que notre Canton puisse finalement se passer d’un recours à l’outil du bouclier fiscal. Ce sera possible moyennant une profonde réforme de l’imposition sur la fortune et des barèmes en particulier.

Cette semaine au Grand Conseil, certains veulent renommer le Léman «Lac du Canton de Vaud». Une proposition visant à Faire le Lac Grand de Nouveau, comme le président d’une grande nation outre-Atlantique et
son golfe (marin, pas à 18 trous). Quitte à imaginer des mesures diplomatiques, économiques voire militaires pour que nos voisins l’acceptent.
Une autre idée consiste en la réintroduction de l’ours en tant que régulateur naturel du loup. Le postulat présente trois arguments: l’ours est un attrait touristique, il remplace les chasseurs sans subventions et pourrait être lui-même régulé et donc alimenter une nouvelle gastronomie locale.
Enfin, un député propose que la Capitale vaudoise devienne itinérante, ce qui permettra notamment «de vivifier notre Canton en rapprochant le pouvoir de toutes les régions de notre Canton». Un florilège d’idées encore plus originales que d’habitude qui n’est pas étranger à la date de la séance: le premier mardi du mois d’avril.

Rédacteur responsable, , secrétaire général adjoint – FPV