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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

Il faut sauver le marché intérieur

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En sus des politiques monétaires très accommodantes menées par les différentes banques centrales, les Etats européens ont pour la plupart pris de sérieuses mesures budgétaires afin de répondre à la crise du coronavirus. Cependant, malgré un activisme certain en matière de politique conjoncturelle, le Vieux Continent affronte une tendance déflationniste. Après le choc de l’offre généré par les mesures initiales de lutte contre la pandémie, on en vient à présent à redouter un choc de la demande. La consommation accuse incontestablement un ralentissement inquiétant alors même que les prix commencent à diminuer. Ceci étant, il serait prématuré d’agiter le spectre de la spirale déflationniste. En effet, l’Europe se trouve actuellement plutôt en situation de désinflation, à savoir de réduction de l’inflation. Or, en période de reprise économique, il y a de fortes chances pour que l’inflation remonte, avec comme objectif un équilibre retrouvé entre épargne et investissement.

Sur le plan continental, le plan de relance européen constitue la mesure budgétaire phare pour sortir du marasme économique. Pour la première fois de son histoire, l’Union européenne (UE) recourt à l’endettement commun. Les eurobonds de la Commission européenne marquent ainsi une nouvelle étape dans l’intégration européenne. Outre le fait de rassurer les investisseurs, l’adoption du plan de relance a eu des conséquences immédiates sur le marché des changes : l’euro a repris du poil de la bête face au dollar. Il faut avouer que depuis la baisse des taux décrétée par la Réserve fédérale américaine (Fed), ce dernier est devenu nettement moins attractif pour les investisseurs. Le dollar souffre également du déficit budgétaire abyssal des Etats-Unis doublé d’une instabilité politique devenue récurrente sous l’ère trumpienne.  

Certes, le plan européen de relance de l’activité économique ne s’est pas imposé comme une évidence ; les Etats membres se sont accordés au forceps. Si un compromis a pu être trouvé, c’est d’ailleurs pour une raison simple : il fallait absolument sauver le marché unique. Des pays comme l’Italie – qui traverse une phase de récession inédite – ou l’Espagne sont littéralement « too big to fail ». La pérennité du marché unique suppose qu’aucun Etat d’importance ne s’effondre. Les Etats dits « frugaux » ont donc beau rechigner à financer les égarements macroéconomiques des PIGS (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) et s’élever contre une tutelle franco-allemande, il n’en demeure pas moins qu’il était nécessaire d’injecter de la confiance, fût-ce à crédit. On rappellera à toutes fins utiles que les pays nordiques demeurent les principaux bénéficiaires du marché européen.

Le plan de relance porte sur un montant de 750 milliards d’euros – dont 390 seront octroyés sous forme de subventions et 360 sous forme de prêts – ce à quoi il faut ajouter  les 100 milliards du fonds anticrise de la Commission européenne. Dès lors, l’UE va mobiliser 850 milliards d’euros sous forme d’emprunts, se transformant ainsi en importante émettrice d’obligations. Il reste à présent à savoir comment le marché obligataire va se comporter face aux sollicitations de l’UE. Cette dernière a beau être plébiscitée par les agences de notation, il n’en demeure pas moins que sa solvabilité à long terme est sujette à caution. 

Quoi qu’il en soit, le resserrement des rangs au sein de l’UE intervient à un moment clé. La concurrence exacerbée entre les Etats-Unis et la Chine laisse craindre un effondrement du multilatéralisme. L’épisode de la vente forcée de l’application TikTok à Microsoft n’augure certainement pas des lendemains meilleurs. Parallèlement, le blocage de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) n’arrange en rien les choses. Au sein d’une économie mondiale prise en tenaille entre les impératifs électoraux américains et l’agressivité chinoise, l’UE doit par conséquent s’imposer comme un contrepoids. Elle devra pour ce faire mener d’importantes réformes structurelles en repensant notamment un Pacte de stabilité qui dysfonctionne.

Pour sa part, à l’instar des pays nordiques, la Suisse bénéficie largement du marché intérieur européen. A ce titre, le plan de relance constitue une bonne nouvelle, non seulement parce qu’il permet de diminuer la pression sur le franc, mais encore parce qu’il favorise la reprise économique helvétique. Dans ces conditions, il serait particulièrement malvenu pour la Confédération de quitter un marché unique dopé à coup de centaines de milliards. Une acceptation de la dangereuse initiative de limitation ne ferait ainsi qu’aggraver la crise économique que nous subissons actuellement. En cette période troublée, la Suisse doit plus que jamais rester tournée vers l’extérieur.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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