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- Relations extérieures - Jimmy Dupuis

La protection de l’infrastructure boursière suisse

À la suite de la crise financière de 2008, l’Union européenne (UE) a décidé d’encadrer plus strictement le secteur financier. Afin d’éviter que les acteurs européens ne tentent de profiter de lois plus accommodantes au sein de juridictions étrangères, obligation leur a été faite d’opérer exclusivement dans des marchés pour lesquels le cadre légal et la surveillance ont été au préalable reconnus comme correspondant aux règles européennes. Une telle reconnaissance s’effectue par le truchement d’une décision d’équivalence, ceci au terme d’une analyse purement technique. 

Il s’ensuit que les entreprises d’investissement de l’UE ont en principe la faculté de négocier des actions suisses sur les bourses suisses uniquement si l’UE reconnaît celles-ci comme équivalentes. Or, pour des motifs politiques, l’UE n’a accordé l’équivalence boursière à la Suisse que jusqu’à la fin du mois de juin 2019. On relèvera qu’en l’absence de reconnaissance de l’équivalence boursière de la part de l’UE, les plateformes européennes ne peuvent plus négocier des actions en Suisse. Cependant, les banques et instituts financiers de l’UE conservent – si rien n’est entrepris – la possibilité de vendre et d’acquérir des titres suisses en passant par les bourses européennes.

Afin de protéger l’infrastructure boursière helvétique, le Conseil fédéral a rapidement déclenché une riposte réglementaire par voie d’ordonnance. Le système mis en place prévoit que les plateformes de négociation étrangères doivent obtenir une reconnaissance lorsque certaines actions de sociétés suisses y sont négociées. Concrètement, la négociation de titres de participation de sociétés ayant leur siège en Suisse sur des plateformes de négociation étrangères n’est autorisée que si le droit des marchés financiers étranger pertinent ne contient pas de dispositions restrictives qui entravent de manière substantielle la négociation de tels titres de participation sur des plateformes de négociation suisses.

Sur la base de l’ordonnance précitée, la Confédération a refusé de reconnaître les plateformes de négociation sises au sein de l’UE. Ces dernières ont par conséquent l’interdiction de proposer ou de permettre la négociation de certains titres de participation de sociétés ayant leur siège en Suisse. Sachant que les actions suisses ne sont désormais plus échangées au sein des bourses européennes, l’équivalence boursière devient en quelque sorte sans objet. Les acteurs européens conservent ainsi la possibilité de passer par la bourse suisse ou par d’autres places jugées équivalentes sans violer le droit européen.

Force est de convenir que les mesures mises en place par le Conseil fédéral pour protéger l’infrastructure boursière suisse sont simples et efficaces. Etant entendu qu’elles figurent au sein d’une ordonnance temporaire arrivant à échéance, un projet visant à transposer le système actuel dans le droit ordinaire – en l’occurrence au sein de la loi sur les marchés financiers (LIMF) – a récemment été mis en consultation.

On soulignera que les ordres passés depuis l’étranger représentent un volume important. Dans les faits, la place boursière helvétique demeure le marché de référence des actions suisses. Il paraît dès lors fondamental de permettre aux opérateurs de l’UE de négocier des actions suisses sur les bourses suisses. A ce titre, le mécanisme extraordinaire déployé par le Conseil fédéral se distingue par son ingéniosité. Son transfert sans modification de fond au sein de la LIMF ne pose pas de problèmes particuliers. On rappellera à toutes fins utiles que l’UE est le seul espace juridique à connaître une limitation de la négociation des actions, si bien que les effets de la réglementation ne devraient pas s’étendre à d’autres juridictions.

Il est bien évidemment regrettable que le dossier européen soit venu polluer la LIMF. Cependant, nécessité doit pour le moment faire loi. L’objectif demeure en tout état de cause l’obtention de la reconnaissance de l’équivalence boursière par l’UE sans limite dans le temps.



Jimmy Dupuis,
Responsable politique économie extérieure

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