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- Politique économique - Sandrine Hanhardt Redondo

Une révision incomplète de la loi sur les cartels

Le droit de la concurrence a connu de profonds changements depuis son adoption en 1962. Un grand nombre de questions ont été traitées par la COMCO dans de nombreux domaines (construction, automobiles, horlogerie, etc.) et les tribunaux ont rendu quelques arrêts de principe, pas toujours en faveur des entreprises et parfois critiquables, mais qu’il convient toutefois de respecter pour éviter des sanctions qui peuvent être sévères. Ce domaine du droit s’est aussi « européanisé ».

Ces éléments font que le droit de la concurrence est devenu une matière sans cesse en mouvement: les PME et associations patronales consacrent beaucoup de temps à se renseigner et à se former, notamment pour identifier les comportements anodins désormais poursuivis par les autorités de la concurrence. Le nombre d’interventions parlementaires sur ces questions montre aussi à quel point ce domaine du droit, complexe, suscite des interrogations ou des craintes. Or, il existe de nombreux cas concrets où des accords entre entreprises permettent par exemple une coopération intelligente, la négociation de prix plus avantageux, le renforcement de la sécurité de l’approvisionnement, une collaboration technique utile, la participation de PME à des marchés publics importants dans le cadre de consortiums, ou encore la survie de distributeurs indépendants face aux réseaux de vente propres aux producteurs.

Les problèmes liés à l’insécurité juridique que ressentent les PME et les associations professionnelles méritent d’être abordés sans délai. L’actuel projet de révision du Conseil fédéral se limite à reprendre certains points plutôt techniques – la modernisation du contrôle des concentrations, une amélioration du droit civil des cartels et de la procédure d’opposition, ainsi que la révision de l’art. 5 LCart – et non contestés de la révision échouée de 2014. Si le projet contient du positif et du négatif, il est néanmoins insatisfaisant car il n’aborde pas les principales préoccupations d’une partie importante de l’économie. Une réforme institutionnelle des autorités de concurrence pourrait être discutée séparément, lors d’une prochaine révision. En tout état de cause, la proposition d’extension de la qualité pour agir aux clients finaux (consommateurs), afin qu’ils puissent obtenir eux-mêmes réparation des dommages, n’est pas judicieuse et doit être rejetée. Cela constituerait un fâcheux premier pas vers l’instauration en droit suisse de l’action de groupe (class action).

Bien plus, une réflexion plus approfondie doit être menée dans la perspective d’une révision plus globale, en particulier sur la question d’une réforme institutionnelle des autorités de la concurrence et dans l’évaluation des consortiums par la mise en œuvre la motion Français (18.4282). Par ailleurs, à terme, il conviendra d’entamer une réflexion sur les défis de la numérisation pour le droit de la concurrence et la nécessité ou non de légiférer dans ce domaine aux vues des avancées technologiques.



Sandrine Hanhardt Redondo,
Responsable politique droit économique et des sociétés

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