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- Finances et fiscalité - Jean-Hugues Busslinger

Les vertus bien comprises de la concurrence fiscale

On sait qu’actuellement les cantons doivent appliquer les mêmes types d’impôts, mais demeurent libres d’en fixer les taux (on parle alors d’harmonisation formelle). Périodiquement, des voix s’élèvent, surtout à la gauche de l’échiquier politique, qui militent pour une harmonisation des taux (harmonisation matérielle) et pour remettre ainsi en cause la concurrence fiscale entre les cantons. Tout serait ainsi plus simple, plus égalitaire, plus juste, plus… (biffer la mention qui ne convient pas) si l’impôt était déterminé d’une manière uniforme sur tout le territoire de la Confédération !

La démarche résulte d’une approche purement idéologique qui nie les spécificités des cantons et remet en question leur autonomie. Et ceux-ci ont, à de nombreuses reprises, réaffirmé leur attachement aux principes du fédéralisme fiscal et à la saine concurrence qu’elle induit. Tout à la préoccupation d’uniformiser à tout va, le spectre d’une course au moins-disant fiscal est régulièrement brandi : on mettrait ainsi en péril l’exécution des tâches publiques. Le gros mot est lâché : ne touche pas à mes prestations !

Ce (mauvais) procès ne tient pas : on doit au contraire considérer que l’impôt ne diminuera pas jusqu’à menacer les prestations jugées comme indispensables par la majorité, mais se stabilisera lorsque le rapport entre pression fiscale et prestations collectives sera considéré comme proche de l’optimal. On ne peut aussi s’empêcher de penser que le refus viscéral de toute concurrence fiscale entre les cantons vise avant tout à éviter de devoir se confronter à d’autres entités mieux gérées, car proposant des prestations tout aussi efficaces à un moindre coût.

En réalité, la concurrence fiscale se révèle positive à la fois pour les administrations et pour les contribuables. Sur le plan du secteur public, parce que l’indispensable gestion économe des recettes fiscales accroît l’efficience et pousse à l’optimisation des prestations. Sur celui des contribuables, parce que la concurrence fiscale évite que les coûts de fonctionnement des administrations s’alourdissent sans que des prestations soient développées en contrepartie. Outre le fait que cette concurrence constitue un laboratoire intéressant qui permet de s’inspirer de recettes qui fonctionnent dans d’autres cantons, cela incite l’officialité à raison garder face aux appétits de minorités agissantes ou à la tentation du « toujours plus, toujours mieux ». La concurrence fiscale est ainsi un garde-fou pour les contribuables, qui incite les autorités, même si c’est contre leur gré, à la modération des appétits et à l’usage efficace des ressources. On a tout à gagner à oser se comparer.



Jean-Hugues Busslinger,
Directeur du département de la politique générale

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