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- Finances et fiscalité - Jean-Hugues Busslinger

Réforme de la fiscalité des grands groupes d’entreprises : les enjeux

On pouvait penser que la question de l’imposition des entreprises était réglée dans notre pays depuis l’adoption de la RFFA en 2019. C’était sans compter avec les travaux effectués sur le plan mondial, plus particulièrement au sein de l’OCDE et du G20, pour mettre en place une fiscalité uniforme pour les grandes entreprises ou groupes d’entreprises.

Très succinctement résumé, le futur système repose du deux piliers :

Le pilier 1 concerne les entreprises réalisant plus de 20 milliards de francs de chiffre d’affaires (CA) et une profitabilité de plus de 10 %. Il nécessite une convention internationale, qui sera ouverte à signature l’été prochain. Il transfère les droits d’imposition de l’Etat de siège vers l’Etat du marché.

Le pilier 2 vise à introduire une imposition minimale (à 15%) des entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de CA (le taux de 15% cumulerait les impôts sur le bénéfice, sur le capital et sur certains transferts). Si l’impôt est moins élevé dans l’Etat où se trouve la société mère, l’imposition sera compensée (à concurrence des 15 %) dans les Etats où se trouvent des filiales du groupe d’entreprises concerné. Toutefois, l’OCDE et le G20 autorisent aussi l’Etat du siège à imposer lui-même la différence par un impôt complémentaire national. Ainsi, l’imposition complémentaire exigée par la Suisse prime celle des autres Etats, ce qui permet de conserver la manne fiscale dans notre pays et de s’opposer aux exigences venant d’autres juridictions. Les recettes supplémentaires provenant de l’impôt complémentaire suisse sont estimées approximativement entre 1 et 2,5 milliards de francs et on ne peut qu’approuver l’intention du gouvernement de conserver l’intégralité de la manne fiscale dans notre pays.

Le temps est compté, ces règles trouvant application au 1er janvier 2024. Afin de mettre en place le dispositif en Suisse, une modification de la Constitution est prévue pour y inscrire les principes de cette imposition. Nous voterons à mi-2023, ce qui permettra à la Confédération d’émettre des ordonnances dès 2024 et de respecter ainsi le calendrier international. Ensuite, une loi fédérale viendra « régulariser » les choses… avec possibilité cas échéant de référendum.

On voit que la concurrence internationale va quitter le champ de la fiscalité (l’impôt sera le même pour tous) pour une concurrence basée sur les coûts. Or, dans ce domaine, la Suisse n’est pas la mieux placée vu ses coûts salariaux et le niveau des loyers. Dès lors, des mesures préservant l’attrait de la place économique sont indispensables, sous forme d’une amélioration des conditions générales de la politique économique. Ces mesures pourraient prendre la forme de contributions à l’encouragement de la recherche, du développement et de l’innovation, d’adaptations dans le domaine de l’imposition des personnes physiques, de mesures concernant le marché du travail et le potentiel de main-d’œuvre qualifiée ou d’allègement administratif des entreprises. Nous aurons l’occasion d’y revenir.



Jean-Hugues Busslinger,
Directeur du département de la politique générale

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